Qui ne se souvient, durant les années 40-44, des sirènes qui, avec leurs accents plaintifs, donnaient l'alerte? Chacun prêtait l'oreille, et du regard inspectait le ciel pour découvrir de quel côté arrivaient les avions et la direction qu'ils prendraient. L'effroi nous envahissait tous. Les uns se réfugiaient dans les abris ou dans les caves, d'autres se blottissaient dans le coin des maisons. Ceux qui étaient pris en cours de route s'allongeaient dans les fossés, se cramponnaient aux arbres, se précipitaient dans des refuges de fortune ou même dans des aqueducs.
Pour ce qui nous concerne plus directement; quels douloureux souvenirs que ceux des bombardements de Fives, Hellemmes, Lomme, Courtrai, le terrain d'aviation de Lesquin, etc.
Le 9 octobre 1942, l'aviation américaine bombardait les ateliers d'Hellemmes. Etait-ce erreur de pointage, ou voulait-elle détruire la Blanchisserie Masquelier (c'était l'époque des « cheminées fumantes y qu'il fallait abattre, toujours est-il que plusieurs bombes étaient lâchées sur Forest. Deux tombaient dans la cour de la ferme Marchand qui fut en grande partie démolie. Henri Marchand qui lavait des pommes de terre dans la cour, était rentré de justesse dans la maison, ce qui lui permit d'éviter une mort quasi-certaine. D'autres tombaient et détruisaient cinq ou six maisons, face à la blanchisse rie, à l'emplacement actuel de la maison de Louis Dewaste. Des décombres, les secouristes devaient retirer une personne tuée sur le coup: Maria Malfait (53 ans) et deux blessées: Louis Stiens et Jules Couque.
Le 15 août 1943, dans l'après-midi, tout était calme: la nature et le ciel. Albert Thieffry et quelques camarades étaient partis à bicyclette, faire une promenade. C'était la détente Soudain l'alerte est donnée.
Vers 17 h 30, apparaissent les bombardiers. Leur mission: anéantir le terrain d'aviation de Lesquin. A Fretin, Albert, surpris, se précipite dans un champ, s'allonge dans un sillon. Les bombes tombent dont l'une à quelques mètres de lui. Le malheureux jeune homme est frappé mortellement d'un éclat à la nuque et d'autres sur les différentes parties du corps. Albert était âgé de 19 ans. Le bilan du raid: une vingtaine de victimes à Forest et environs. La consternation fut grande dans le pays. Les témoins s'en souviennent encore aujourd'hui.
Dans la nuit du 10 au 11 mai 1944, bombardement du dépôt de Fives. Forest est en état d'alerte. Dans les airs, plusieurs avions se télescopent. Il semble bien que la D.C.A allemande ait tiré des obus d'un genre nouveau, occasionnant des déplacements d'air. Un avion tombe à l'emplacement du cimetière, après avoir semé des débris un peu partout. Un autre tombe avec ses bombes, à la ferme Messiaen, au marais d'Annappes, d'autres sont descendus ailleurs. Les aviateurs tués sont recueillis et inhumés au cimetière de Forest. 23 tombes portent les noms et âges de ces infortunés aviateurs
Quand les sirènes annonçaient la fin des alertes tout le monde poussait des soupirs de soulagement. Plaise au ciel que de telles frayeurs ne se reproduisent plus.
Texte de "Connaissez-vous votre village" Abbé J. DELBENDE